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Compte rendu : Race Across Switzerland 300KM

by Gwenaëlle
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👋 Hello, aujourd’hui je vous partage le récit de ma première course d’ultra cyclisme : la Race Across Switzerland format 300km (wahou je crois qu’en écrivant ces mots, j’ai encore du mal à réaliser que c’est vraiment moi qui ai fait ça…) Pour la petite histoire, cette course n’était pas du touuuut prévue au programme de mon année sportive 2023. Je connaissais bien la Race Across France depuis plusieurs années, pour avoir suivi les aventures de plusieurs personnes, mais JAMAIS je ne m’étais projetée plus que ça. Et puis en janvier 2023, Marjorie du compte Maki-Cycling fait la présentation de cette toute nouvelle course : je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans mon cerveau, mais ça a été le coup de foudre instantané. J’ai toujours rêvé de découvrir la Suisse et ses paysages. Je me souviendrai toujours de ce vol en avion que j’avais réalisé pour le travail. J’étais scotchée au hublot, l’avion volait juste au-dessus d’une multitude de lacs à la couleur si turquoise, c’était la Suisse que j’étais en train de survoler.

Il s’est ensuite écoulé 1 mois et demi entre cette folle envie, et la réelle prise du dossard… Je ne me suis jamais autant questionnée, est-ce que j’en étais physiquement capable ? Je n’avais jamais fait plus de 120km sur du plat, je n’avais fait que 2 petits cols de montagne, j’habite dans une région archi plate… Oui mais j’avais cette flamme qui m’animait, allez je clique.

6 mois de prépa – 3,000 KM parcourus

Vendredi 14 juillet 2023, fin de matinée, retrait du dossard et vérification du vélo/matériel obligatoire chez Vélo Mania à Lausanne. Une bonne grosse sieste tout l’après-midi, puis il est temps de se rendre au stade de la Pontaise pour assister au briefing obligatoire à 17h, à la pasta party à 18h30, et d’aller sur la ligne de départ pour mon horaire prévu pour 20h05 très précisément 😰 Le départ depuis la piste d’athlétisme est vraiment grandiose, l’occasion de faire un tour de piste pour s’échauffer et faire un dernier au revoir à ses proches avant le grand départ vers l’inconnu. J’avais tellement peur de me louper au démarrage, de ne pas savoir clipser mes chaussures et de tomber de mon vélo devant les photographes et les caméras. Je ne sais pas pourquoi j’écris ça, peut-être pour me relire dans quelques années, et me dire que malgré toutes mes peurs, j’ai quand même réussi à me lancer.

Vérification du vélo // A quelques minutes du départ

Le départ est rapide, très rapide pour ceux qui connaissent la ville. Sur ce point, je ne me mets pas la pression. Je sais que je vais me faire doubler par littéralement tout le monde, mais je sais que si je veux survivre à la longueur de la course, il ne faut surtout pas que je parte en sur-régime. Il faut que je maintienne cette aisance, à mon niveau, qui me permettra d’aller jusqu’au bout. L’ambiance est bonne, presque tout le monde me glisse un petit mot d’encouragement en me doublant. Je pensais qu’une fois les premiers coups de pédale passés, le stress se dissiperait rapidement. Il n’en est rien. J’ai le ventre terriblement noué, la nausée, un goût bizarre dans la bouche, je comprends que je serai dans cet état tant que je n’aurais pas passé le premier col – ou cette difficulté qui m’effraie tant.

On arrive très rapidement dans la campagne Suisse, c’est vraiment magnifique avec les couleurs du soleil couchant. Quand tout à coup au détour d’un tout petit village, j’entends au loin des gens m’acclamer. « Quoi ?? C’est dingue, je ne connais personne ici ». Un groupe d’enfant avait sorti les banderoles, les clochettes, les drapeaux suisses; ils ont fait la Ola quand je suis passée. Je dois vous dire que je me suis retenue très fortement de pleurer tellement j’étais émue, je n’attendais absolument aucun encouragement sur le parcours, alors c’était totalement inattendu. Quelques KM plus tard, autre surprise, la route qu’on doit emprunter est barrée par un camion…. Je tente un passage sur l’herbe sur le côté, pour découvrir que la route a été coupée car une séance de cinéma en plein air est actuellement donnée dans le champ. Désolée à toutes ces personnes qu’on a importuné à passer de force 😁

Campagne suisse au coucher du soleil // Droit vers les montagnes…

Ça fait peut-être 25-30km que je suis partie quand soudain j’ai un flash… Ohlala je ne me souviens pas avoir remis mon câble de téléphone dans ma pochette 😱 J’avais mis mon téléphone à charger jusqu’au dernier moment pour partir avec la batterie pleine, mais je ne l’ai pas repris avec moi. Ohlalala c’est un des pires trucs que je pouvais oublier… Au briefing ils nous avaient prévenus qu’il y aurait de nombreux animaux la nuit et qu’il valait mieux faire du bruit pour les éloigner. Je comptais mettre un peu de musique pour me divertir, ne pas m’endormir, et éloigner les animaux. J’avais prévu un premier stop fontaine au KM42, j’hésite trèèèèès fortement à demander à mon copain de me rejoindre là-bas le temps que j’arrive pour me remettre mon câble… Mais l’assistance extérieure est interdite, alors je me l’interdis. Il n’y aura pas de musique pendant la nuit et j’essaierai de trouver un magasin au plus tôt le samedi matin pour m’acheter un nouveau câble, ça j’ai le droit (spoiler : je n’ai JAMAIS trouvé de magasin). Sur mon premier triathlon 70.3, j’avais oublié mes 2 bidons et ma nutrition à l’hôtel… PLUS JAMAIS je ne les ai oubliés par la suite. Il fallait bien un raté sur mon premier ultra… Je sais que sur mon prochain (?) j’aurai 3 câbles avec moi 🙄 (rire).

La nuit commence à sacrément tomber, je suis au KM50, j’envoie un vocal à mon chéri pour lui dire que je fonce droit devant le premier col, que c’est le moment de penser fort à moi. Le col de l’Aiguillon c’est LA difficulté qui m’effraie le plus sur le parcours, il n’est pas hyper long, mais qu’est-ce qu’il est pentu ! Je n’ai jamais fait un col aux pourcentages si élevés. Je me suis longuement répétée que poser pied à terre n’était pas un échec, et que si je devais pousser le vélo pour arriver jusqu’en haut, je le ferais. Les premiers KMs et les premiers virages vont être les plus durs, mais par chance, je suis encore fraiche, la course ne fait que commencer. Monter de nuit est une expérience vraiment particulière. Le faisceau de ma lampe n’éclaire que proche devant moi, je ne vois pas les difficultés à venir, je ne me représente pas réellement l’inclinaison de la pente. Je me laisse juste guider par la phrase suivante « un coup de pédale après l’autre, tant que ça avance, on continue ». Mon GPS ne m’indique JAMAIS de pente en dessous de 10%, je suis tout le temps entre 12 et 14, et quand je retombe à 10, je trouve ça vraiment hyper facile. Je me fais doubler par un concurrent qui me sort « Bordel, je me suis trompé, j’ai monté le col de l’autre côté… » Euh what ? 😂 Encore quelques virages et je suis enfin au sommet, j’aperçois à la lueur de ma lampe ce blockhaus qui marque le sommet. JE L’AI FAIT, sans poser le pied-à-terre une seule fois, et sans être au bout de ma vie, je suis tellement heureuse ! J’ai le sentiment que rien d’autre ne peut m’arriver sur ce parcours. Il fait un peu froid, j’enfile mon K-WAY (que je mets par-dessus mon gilet réfléchissant 🙄🤣😂 Je ne me rendrai compte de ce détail qu’en toute fin de nuit).

00h20 en haut du col de l’Aiguillon

C’est parti pour ma première descente de nuit, j’appréhende un peu. Déjà que je descends très mal, alors en pleine nuit, j’ai quelques réserves. Heureusement les premières pentes sont vraiment douces et ça me permet de m’habituer à l’environnement. La descente continue longtemps et je commence à me prendre des courants d’air glacial, mes mains deviennent gelées et le doute s’installe. Est-ce que j’ai pris suffisamment chaud pour cette nuit sur le vélo ? Je me dirige vers la Brévine, région surnommée « la petite sibérie ». J’avais pourtant regardé les températures de la nuit, ça ne me paraissait pas si froid, mais certains courants d’air sont saisissants. J’arrive dans un petit village quand j’entends soudain « allez bravo !! » Euuuuh what ? 😳 Il est à peu près 1h du matin, c’est complètement dingue ! Quelqu’un a installé un ravito sauvage en bord de route, avec de l’eau pour recharger nos gourdes et des poubelles. J’ai vu passer ton nom dans les stories alors merci infiniment Jérémy pour ton geste ! 🙏 Trouver de l’eau et une présence de façon inattendue en pleine nuit, ce sont les plus beaux souvenirs que je garde en mémoire.

Tout se passait parfaitement bien, je prenais énormément de plaisir, jusqu’à ce que je reçoive LE sms qui allait gâcher le reste de ma nuit :

J’ai la phobie absolue des chiens, mais encore plus de ceux qui attaquent. Je descends direct de mon vélo, tétanisée. Je suis encore loin, je n’en suis qu’au KM 85, mais je n’arrive plus à envisager la suite de la course. J’essaie de contacter l’orga, mais mon téléphone ne passe pas (mon forfait suisse que j’avais pris pour internet ne me permet pas d’appeler le numéro FR de l’orga…) J’appelle mon copain, qui essaie d’appeler l’orga de son côté. On lui dit qu’il n’y a eu qu’une seule plainte, que le chien ne sera surement plus là quand je passerai, mais RIEN ne me rassure. Avec ma poisse légendaire, je sais que ça va être pour ma pomme et que le chien va me sauter dessus. Je ne vois qu’une seule solution possible : que je passe cet endroit avec d’autres participants. Sauf que je suis plus ou moins à la fin du classement, et que ceux sur les plus longs parcours sont en train de dormir (certains qui bougeaient dans leur couverture de survie au milieu des herbes m’ont parfois fait grand peur 🤭). Par chance, j’arrive à croiser et recroiser un duo du 300, les Open Squad. Vers le KM 105 je les attends, et me greffe à leur groupe pour passer ce passage. KM 110, 111, 112, mon cœur bat la chamade. Je m’attends à mourir à chaque instant (jamais dans l’excès… 🤣) Rien… Je reste sur mes gardes au moins jusqu’au 120, car si c’est un chien sauvage, il a pu avancer de son côté. Rien… J’essaie d’avancer de nouveau toute seule, mais je suis beaucoup plus dans l’angoisse après cet épisode, ce n’est pas très agréable.

La nuit a été assez vallonnée et mon GPS m’indique une nouvelle longue montée à venir. WOW. Si le premier col m’avait paru ultra-simple, la nuit a laissé quelques traces et les 8% de cette nouvelle montée me paraissent vraiment durs. J’ai la sensation d’avoir une enclume à l’arrière de mon vélo qui me tracte vers l’arrière. J’ai de tellement mauvaises sensations que j’ai peur d’avoir crevé, car mon vélo n’avance plus. Je m’arrête, je check : rien. Ah c’est juste mes jambes qui sont fatiguées, okkkk 😅 Petit à petit, je me remets dans le rythme de la montée. Ça monte à 10% youpi, ça n’en finit plus. J’ai le cardio qui monte de plus en plus, je suis dans le rouge, je suis scotchée à mon vélo, je pousse autant que je peux dans les jambes, je suis dans une pente à 17%. J’ai même vu un 20% pendant une seconde, je me demande si mon GPS a bugué. La fin se fait sur une route en gravillon pendant 1km. Wahou c’était quoi cette montée bordel !! 😨

La montée de l’horreur // Le soleil qui se lève petit à petit // Pause pâtes à 5h du mat

Il est 4h40 dans cette montée démoniaque, mais la nuit n’est plus obscure, les premières lueurs font leur apparition. Je continue encore un peu pour trouver un spot sympa où m’arrêter et faire une bonne pause, je sens que j’ai vraiment faim. J’ai râlé, mais ça valait quand même le coup de monter, la vue sur le lever du soleil est exceptionnelle ! Je trouve un abribus où faire ma pause : pas de réseau, bon tant pis. J’ouvre mon plat de pâtes que j’avais testé à l’entrainement et trouvé délicieux : j’arrive à avaler 2 fourchettes seulement. J’ai faim, mais ça ne passe pas et je fais l’erreur de ne pas me forcer. Petit bilan avant de repartir : j’en suis à 132km parcourus depuis le départ. Je ne savais pas du tout comment j’allais vivre cette première expérience nocturne, alors je suis extrêmement satisfaite des KMs parcourus. Mon objectif était tout de même de prendre le plus d’avance possible car je savais que la journée du samedi allait être chaude. Il ne me reste « que » 200km à parcourir, j’ai toute la journée, je me sens très confiante. Bilan animalier de cette nuit : un seul petit renard tout mignon aperçu sur ma route, tout va bien 😸

Vers 5h45 il fait grand jour et j’entame une descente absolument SUBLIME, je n’ai pas les mots ! Moi qui aie toujours été une flipette en descente, je n’ai jamais autant aimé descendre qu’en Suisse. Les routes sont larges, le bitume est absolument impeccable, on se sent réellement en confiance sur les routes. Le paysage est juste dingue, la route est parfois pittoresque et j’ai l’impression d’être au cœur d’une forêt au Canada. En contre-bas le Doubs, et un joli pont qui le traverse. J’hésite sur ma direction, j’emprunte le pont : oups c’était la mauvaise direction. Me revoici en France par erreur l’espace de quelques instants 🤣 Dommage cette route avait l’air sympa. Je recroise le duo Open Squad à cette intersection qui m’indique qu’une grosse montée est à venir… et il n’aura pas tort ! La route est très étroite, difficile de croiser une voiture, je n’aime pas trop ce passage. Et la montée est difficile, du 10% encore. Mais la lumière du matin qui perce le paysage me fait (presque) oublier le mal aux jambes. Vers 7h je traverse un champ où se tient à priori un festival. Il y a des tentes partout, et je croise quelques personnes éméchées : est-ce qu’ils viennent de se réveiller ou ont-ils fait nuit blanche comme moi ? Le contraste avec ces personnes me fait rire. Mais cette nouvelle montée m’aura vraiment séchée, je descends de mon vélo pour faire une pause. Jusqu’à ce que 2 duos me rattrapent, ça me motive à repartir avec eux. Open Squad me promet une boulangerie à quelques pas de là, une bénédiction pour prendre le petit déjeuner dans de bonnes conditions ! Un bon jus frais, une chocolatine, un croissant au jambon, une bouteille d’eau pour repartir à bloc, cette pause fait vraiment du bien et c’est le point de rendez-vous d’à peu près tout le monde. Quand je repars au bout de 45min, on est presque 10 cyclistes – tout format – sur la petite terrasse de cette boulangerie qui n’a d’ailleurs plus beaucoup de stock ^^

Lorsque je repars vers 8h je me dis que le soleil commence à vraiment taper fort… 🥵 Je me dirige en direction de ce que je pense être la dernière grosse difficulté du parcours : le dernier col – le Col du Chasseral. Je ne suis pas encore au début, et avant ça nous avons une autre grosse montée, en plein soleil. J’ai détesté cette montée, les voitures me frôlent à toute vitesse, et me doublent même lorsqu’il y a une voiture en face. On nous avait dit pendant le briefing que la conduite des Suisses pouvait être un peu problématique car ils ne veulent jamais franchir la ligne blanche, je commence à comprendre. Ce que les automobilistes ne comprennent pas eux, c’est que je roule depuis 10h, que j’ai fait nuit blanche, et que je ne garantis pas que ma trajectoire soit toujours droite 😬 Je commence à me sentir mal et ne plus supporter la chaleur – obligée de m’arrêter de nouveau pour faire une pause mais il n’y a pas vraiment d’ombre. Je repars en me disant que je ferai une vraie pause à Saint Imier – dernier village avant le col. J’y arrive mais aucun commerce n’est vraiment sur ma route, et je n’ai pas la force de chercher quelque chose. Je m’arrête quand même et mange mon croissant au jambon que j’avais pris à emporter.

Allezzzzz, on repart et on se motive à monter le dernier col. Open Squad toujours présent, on commence la montée en même temps. Cette première partie est extrêmement passante puisqu’elle dessert d’autres directions. À ce moment-là mon mec m’envoie des vocaux « Si c’est dur, tu fais la technique des zigzag pour moins ressentir la pente » Euhhhh non là j’ai des voitures qui me frôlent de tous les côtés, je ne peux pas dévier d’un yota 😰 La chaleur est trop forte, je n’arrive pas à faire la montée d’une seule traite. Je m’arrête de nouveau dans un petit embranchement, je m’allonge par terre sur le bitume et ma première réaction est « Ahhh c’est doux les cailloux » je bénis ce moment allongée à l’ombre. J’en profite pour manger un petit truc, je fais quelques vocaux, une story, je check le tracker : noooon Open Squad vient de me doubler. Je remballe mes affaires et j’envoie un vocal à mon mec « Open Squad vient de me doubler, j’ai le seum!!!! » 🤣 Dans ces moments-là on se raccroche à pas grand-chose, et moi ma motivation était de savoir que j’étais proche de ce duo, qu’on pouvait échanger quand on se croisait, alors j’essaie de ne pas trop les perdre de vue. Cette fois-ci je suis sur la route qui monte uniquement au col, il y a d’un coup beaucoup moins de voitures, c’est beaucoup plus agréable. La pente est sans cesse à 10%, j’avance à la vitesse d’un escargot, mais j’avance quand même. Je suis ultra-fière de moi, car à aucun moment je ne suis descendue du vélo car mes jambes n’encaissaient pas le % de pente. Et soudain, c’est le drame. La route est vraiment très étroite, 2 véhicules n’arrivent pas à se croiser et c’est le mec en montée juste devant moi qui décide de s’arrêter pour laisser passer la voiture en descente 🤬 Je n’ai vraiment aucun moyen de me faufiler sans me faire écraser, alors je suis aussi obligée de poser pied à terre dans du 11%. Évidemment, je n’arrive pas à repartir sur une telle pente, alors je suis obligée de pousser mon vélo jusqu’à un petit replat. Dernière ligne droite, je vois le sommet…. 11h50 je prends enfin le panneau en photo 🙏 La vue plongeante sur le lac de Neuchâtel en haut est magnifique !

Col du Chasseral – bien traitre !

Je n’ai fait « que » 185/334km mais pour moi ça veut dire tellement ! Car en haut de ce col, je dépasse les 4000m de D+, toutes les difficultés étaient rassemblées sur cette première partie. J’ai jamais fait ça de ma vie, c’est fouuu (mon record de D+ avant cette course c’était 1700m…) Mentalement je me dis que la course est gagnée, que la suite du parcours ne sera « que » vallonnée comme quand je fais des sorties à 1000 de D+ vers chez moi. J’ai l’habitude, ça va aller. La descente du col est assez raide et abrupte, et c’est la seule partie de ces 334km où la route est un peu endommagée, je garde donc toute ma vigilance. J’étais censée avoir une fontaine en bas de la descente, mais j’ai du mal à la trouver et la plupart sont vraiment estampillées « eau non potable ». J’en trouve enfin une estampillée « eau non contrôlée », c’est ni potable, ni pas potable, mais je suis tellement désespérée que je ne me pose pas plus de questions que ça 😁 Il est presque 13h, ça fait des heures que je me plains du soleil, mais je ne décide de mettre ma crème solaire qu’à ce moment-là. En bas de la descente, je suis au KM 200, comme la course s’appelle « Race Across 300KM » j’ai mentalement l’impression qu’il ne me reste plus que 100km à parcourir, c’est « facile », je l’ai fait tant de fois.

Je commence à ne vraiment plus avoir beaucoup de batterie, mais le canal de la Thielle, jonction entre le lac de Neuchâtel et de Bienne est vraiment trop whaou, obligée de m’arrêter prendre une photo. Puis le château du Cerlier, ce sera ma dernière photo avant longtemps… Après le calme, la nuit, les montagnes, j’attaque une section un peu moins stimulante. Quelques départementales assez fréquentées, des mini-montées entre 3 et 5%, mais qui sont d’une difficulté sans nom pour moi. La chaleur m’accable, je me sens rôtir sur place au milieu de nulle part. Mon GPS enregistrera jusqu’à 42°. J’aperçois une petite maison avec un petit bout de jardin à l’ombre, au même moment une voiture s’y gare. Je demande gentiment si je peux m’allonger quelques instants dans leur jardin pour reprendre mes esprits. Cette gentille dame s’inquiète et me propose de l’eau, mais j’ai déjà tout ce qu’il faut. Je repars tant bien que mal et c’est de nouveau une grosse montée qui m’attend. Arrivée en haut je retrouve le duo Open Squad, Peter me dit qu’il a un mort avec lui 🤣 Son binôme fait la sieste dans l’herbe, il est à bout. Ça me fait rire intérieurement, car je suis dans le même état, mais ça me fait aussi verser quelques larmes derrière mes lunettes car je suis aussi à bout, mais il n’y a personne pour s’occuper de moi… 😢 C’est moi contre moi-même…

Canal de la Thielle // Château du Cerlier

J’arrive enfin sur une place avec quelques commerces, objectif : me ravitailler !! Sauf que je déchante très vite : tout est écrit en allemand. C’est le choc culturel pour moi à ce moment-là. Je n’avais pas du tout en tête la répartition linguistique de la Suisse, je ne pensais pas m’éloigner si « loin » pendant la course. « Bäckerei » ça ressemble à « Bakery » ça doit vouloir dire boulangerie, je suis sauvée ! Je vais au moins pouvoir prendre une boisson fraiche et quelque chose à manger. Je pose mon vélo contre un poteau, et un monsieur absolument très étrange s’approche très proche, trop proche, de mon vélo. Je vois qu’il le regarde étrangement et qu’il scrute chacun de mes gestes. Ce n’est pas un regard curieux de quelqu’un qui veut engager la conversation, c’est un regard malaisant. Mon anti-vol est tout petit, il y a toute ma vie dans mes sacoches, je ne peux pas prendre le risque qu’il me vole des affaires… Coup dur, mais je repars illico presto sans rien acheter. C’est moins appétissant, mais je trouve une mini-supérette de station essence un peu plus loin, je descends un ice-tea, j’embarque un Powerade dans un bidon et je mange un paquet de bonbons.

J’ai l’impression que ça fait des heures depuis que j’ai dépassé le KM 200. Je réalise qu’il est plus de 15h, et que ce n’est pas une impression. J’en suis au KM 230, j’ai mis presque 3h à faire ces 30km. Et là c’est la douche froide, je suis dans le dur et comme la course fait réellement 334km, et pas 300… alors il me reste encore une fois 100km à parcourir. Je commence à faire des calculs et je me dis qu’à cette allure de 10km/h je vais difficilement arriver avant la barrière horaire de 20h, elle qui me paraissait si atteignable. Je me souviens de cette longue ligne droite qui me parait visuellement en faux plat descendant. J’arrête de tourner les jambes, je me dis que ça va forcément descendre tout seul même si ça ne va pas bien vite. Sauf que quand j’arrête de pédaler, mon vélo s’arrête. Pas de descente, ni de KM gratuit. Je ne comprends pas, je réessaye 4 ou 5 fois, mais non aucun moyen de me laisser glisser. Fichue illusion d’optique, c’est un faux plat montant que j’ai. J’ai mal aux pieds, je sens ma voûte plantaire en feu et chaque coup de pédale est difficile.

Généralement, quand ça ne va pas, il faut faire une vraie bonne pause. Dans une énième montée à 3% qui me semble impossible à franchir, je m’arrête et je tente une petite sieste dans un bout d’herbe qui ne donne pas franchement envie. Alarme mise 10min plus tard, je tente de fermer les yeux, mais je ne me sens pas très à l’aise, étendue à côté de mon vélo. Et merdeee je me suis installée sur des orties, ça me brule la jambe, quelle erreur de débutant. Bon tant pis je repars, encore en plein soleil…

J’essaye tant bien que mal d’avancer, mais j’y arrive vraiment plus. Un rond-point, une mini-impasse avec un bout d’ombre, je jette le vélo et je m’allonge de nouveau… L’endroit est très mal choisi, je suis en plein milieu d’un rond-point ultra-passant, les gens me prennent pour une folle, certains s’arrêtent pour demander si j’ai besoin d’aide. Non, laissez-moi juste me reposer. Je pleure, j’en ai complètement marre. J’essaie de me reposer, mais ça ne veut pas. Je fais tous les calculs du monde dans ma tête, je suis physiquement incapable de faire encore 10h de vélo pour atteindre la ligne d’arrivée. J’envoie un premier vocal à mon chéri en pleurs pour lui dire que c’est vraiment ultra-dur… Il me dit que peu importe ma décision, la seule chose qui compte, c’est que je n’ai pas de regrets, et que j’aille au bout du bout de ce qu’il est possible de faire. Je ne prends plus aucun plaisir, je n’ai plus aucun bon moment en tête; tout s’efface et seule la souffrance reste 😢

Après mûres réflexions, je craque. C’est impossible. Je suis forcément ultra-déçue de ne pas terminer cette course, je serai peut-être la seule Did-Not-Finish, c’est peut-être la honte, mais peu importe, je veux mettre fin à cet état. À chacune de mes pauses, je n’ai jamais mis mon compteur GPS en pause, car le temps lui continue officiellement de tourner. Mais cette fois, je me lève tant bien que mal, et symboliquement, je mets mon GPS en pause, une larme coule, la course s’est arrêtée pour moi. J’envoie un vocal pour prévenir mon chéri qu’il prévienne l’orga (car mon tel ne peut toujours pas passer d’appels…) Je termine mon vocal par une ultime phrase qui va certainement me sauver « … sauf s’ils ont une solution miracle, mais là, je ne vois pas vraiment d’issue ».

Mon chéri appel le PC course, et tombe sur Arnaud Manzanini, le maitre de l’ultra cyclisme. Ces états, il les a connus lui-même 1000 fois, il sait exactement quoi faire. Et moi aussi en théorie, car j’ai écouté tous ces podcasts, je connais la chanson par cœur « en ultra, on ne prend jamais de décision sans avoir bu, mangé, et dormi ». Et sa recommandation n’a rien eu de révolutionnaire, il m’a conseillé de faire une vraie pause de 2h, de manger tout ce que je voulais et qu’on refaisait le point à ce moment-là. Et que si vraiment j’abandonnais, alors vu ma position, je pouvais soit prendre le train, soit que quelqu’un vienne me chercher. Prendre le train à ce moment-là de la course était absolument INENVISAGEABLE pour moi, je n’étais pas du tout en état de réfléchir, ni de me hisser en haut d’un quai avec mon vélo. En voiture, mon chéri en avait pour 53min. Maintenant que l’abandon était concret, je culpabilisais de lui faire faire 2h de voiture, aller-retour… J’ai décidé de réfléchir. C’est vrai que depuis le début mes pauses sont minables, je stresse de la barrière horaire, je suis assise sur des orties. Il n’y a rien qui va. Le fait de savoir qu’il « m’autorise » une pause de 2h m’enlève soudainement un poids. Je sais, qu’il sait, que si je m’arrête 2h, je serai hors délais. Mais il me l’autorise, donc indirectement j’ai la cartouche de finir hors délais. Je me force alors à manger tout ce que j’ai sur moi : mon plat de pâtes qui traine depuis 6h du matin… Ça ne passe pas, mais je me force quand même, histoire de pouvoir repartir et atteindre la prochaine ville vraiment pas loin. Je me mets à rêver d’une bonne glace. Il fait chaud, j’ai envie d’une glace. Et puis KM 245, c’est vraiment nul comme chiffre, j’aimerais au moins atteindre les 250km, c’est plus stylé. Un regard sur le tracker : malgré ma longue pause Open Squad est aussi à l’arrêt dans la ville juste après. On n’est vraiment pas très loin. Allez je repars, on verra où ça nous mène.

Je ne sais même pas comment j’ai cette force de remonter sur le vélo. Les premiers coups de pédales sont très douloureux pour mes deux genoux. J’ai beaucoup forcé en montée, c’est les genoux qui ont pris et ils commencent à me le faire sentir. Je ne suis pas très lucide car je loupe la direction au premier tournant… mais enfin j’atteins la petite ville de Düdingen, je vais enfin pouvoir « manger tout ce que je veux ». Oui, enfin non. Il y a des cafés mais je n’ai pas envie de m’arrêter à une table et attendre le service, la pause va être beaucoup trop longue. J’aimerais quelque chose à emporter, mais je ne vois rien pile devant moi, ma batterie ne me permet plus de faire des recherches inutiles, et mes jambes n’ont pas envie de s’éloigner ne serait-ce que d’un mètre du tracé officiel. Je suis également toujours à l’affût d’un vrai magasin pour acheter un cable de téléphone, ça me rassurerait pour la suite. Je tombe des nues lorsque je passe devant des grandes enseignes qui sont fermées « Alloooo t’es un supermarché et t’es fermé le samedi ? Non mais alloooo » 😩

La suite est floue, je n’ai aucun souvenir tangible pour me souvenir, ni photo, ni vocal. Je ne sais pas comment j’ai survécu mais dans ma tête c’est l’ébullition, j’arrive de nouveau à franchir une côte à 8%. Je me dis que si j’ai réussi à repartir dans cet état, alors la ligne d’arrivée, elle est pour moi ! Je me mets à y croire ! Je ne lâcherai rien. Je ne dis rien à personne, j’éteins mon téléphone pour préserver le peu de batterie qu’il me reste pour une ultime urgence. Je vole, puis la seconde d’après je refais mes calculs, j’estime mon arrivée vers 23h-00h, physiquement je ne me sens plus de pédaler pendant encore aussi longtemps. Il va me falloir encore tellement à boire et à manger, mais je ne trouve rien. En ultra, on a souvent des phases de hauts et de bas, moi elles duraient 10 secondes chacune. Je passais d’un extrême à l’autre en une fraction de seconde. Possible. Impossible. J’ai juré ne plus jamais refaire de sport de ma vie, je me suis dis que je n’arriverai jamais à faire la prépa pour mon dossard de novembre, que mon projet 2024 serait irréalisable… J’ai découpé mentalement les KM qu’il me restait, je ne visais pas l’arrivée mais le prochain checkpoint. J’avais noté un McDo dans la ville de Bulle au KM 283. Coûte que coûte, il fallait que j’arrive là-bas, je savais qu’il me sauverait. A 18h09 (merci mon appli bancaire pour cette précision 😄) un distributeur automatique va me sauver avec un Kinder Bueno et une bouteille d’eau (je paie cette bouteille de 50cl 3€88, c’est une dinguerie 💸💸, mais sur le coup je suis trop contente).

19h – il va me manquer encore un peu d’eau pour arriver jusqu’au McDo. Je scrute tout autour de moi à la recherche d’une fontaine publique. Soudain j’en aperçois une, qui est dans la cour d’une propriété. Par chance le monsieur est dehors, je lui demande si sa fontaine est potable. Il me dit quelque chose qui s’apparente à un non, mais me dit de venir et qu’il va me ravitailler. Un monsieur adorable qui va me remplir mon bidon d’une eau bien fraiche, et qui insiste pour que je boive un grand verre d’eau histoire que je reparte en ayant bien bu sans entamer ma gourde. Il me demande où je vais « Lausanne ! » Je suis à 65km de Lausanne, il est 19h, il me regarde avec des gros yeux, je pense qu’il ne me croit pas. C’est vrai que d’un point de vue extérieur, la situation peut sembler ubuesque. Je lui dis que je participe à une course, il me dit qu’il n’a vu personne passer de la journée. Il me ferait presque douter que je suis sur la bonne route 😆

Juste après cette rencontre, je vais contempler un panorama absolument somptueux : une descente plongeante sur le sublime lac de la Gruyère. C’est trop tentant, je m’arrête, je rallume mon téléphone qui n’a plus que 5% de batterie pour immortaliser ce moment et cette vue dont j’ai envie de me souvenir. J’en profite pour envoyer un ultime vocal à mon chéri qui n’avait plus eu de nouvelles depuis 16h30… « Je fonce vers l’arrivée, ça va mieux. Mon tel va couper, je vais devenir injoignable. Suis le tracker stp, si tu vois que je m’arrête trop longtemps c’est qu’il faut venir me chercher ». Je me dis intérieurement que ces instructions n’ont aucun sens, et je me demande réellement comment je vais m’en sortir si j’ai un problème 😅

Lac de la Gruyère // Mes notes ravito qui m’ont sauvé

La traversée de Bulle sera interminable, je savais que le Mcdo était juste après un rond point, j’en passe 3 avant que ce soit enfin le bon. Il est 20h, je suis officiellement hors-délai, mais enfin la délivrance, je vais pouvoir manger des choses qui me font envie. Je commande aussi du rab pour tenir les 50km restant, vu l’heure je sais que je ne trouverai plus aucun commerce. J’ai rêvé de ces frites pendant des heures et des heures, et une fois devant moi je n’arrive même pas à les manger. C’est pâteux, il y a rien qui veut passer c’est dingue. J’arrive à manger 4 nuggets et c’est tout, je prends tout le reste à emporter dans mes sacoches. Un stop aux toilettes pour me débarbouiller et faire le plein d’eau, il me reste 50km. Et puis soudain j’hésite, 50km, potentiellement 4-5h à rouler encore, je vais arriver hyper tard… Je n’ai pas envie de faire attendre les gens pour rien. Dire stop serait si facile. Je n’y crois pas, mais dans un dernier élan mon téléphone se rallume une ultime fois : 3% de batterie, juste le temps d’ouvrir le tracker : il reste encore 2 duos en course. Open Squad n’est pas si loin devant moi. A ce moment-là de la course, absolument chaque détail pouvait me faire vriller d’un état à l’autre, abandonner ou terminer. Voir ces 2 duos encore sur la route, certainement en train de souffrir comme moi m’a insufflé un dernier élan de motivation pour repartir. Goooo chercher cette ligne d’arrivée !

Et puis mon ange gardien est arrivée ! Une participante du format 500km encore en course me double, et me demande si je veux qu’on finisse ensemble ! Ohhhhhh oui avec grand plaisir 🤩 ! Sauf qu’elle repart à fond et j’ai du mal à suivre son rythme. Je ne veux pas la ralentir, mais on arrive finalement à trouver un rythme commun. On discute, on débriefe de notre condition actuelle, très vite, on se rend compte qu’on est physiquement dans le même état, et qu’on a vécu les mêmes difficultés sur le parcours. Pas de relais, pas de triche, on roule juste l’une à côté de l’autre, et c’est ma renaissance. J’ai si mal aux fesses, je commence à avoir les paumes de main en feu, mais j’ai de nouvelles jambes. J’avale les KM sans broncher, j’ai l’impression d’aller si vite. Yeux rivés sur le compteur : on vient de dépasser les 300 ohlalaaaaaaa, tout passe à une vitesse folle ! Soudain j’ai un éclair : ça fait plus de 25h que je roule, mon GPS n’a une autonomie annoncée que de 24h et je n’ai rien mis à charger de la journée. J’aurais tellement les boules qu’il s’éteigne maintenant, mais non il lui reste encore 20% de batterie, je suis bouche-bée. Pareil pour ma lampe avant qui ne devait tenir que 8h, j’ai roulé toute la nuit avec, puis poussé au petit matin me disant que je ne la rallumerais pas, et finalement j’ai pu tenir 2h de plus en soirée pour arriver. Si mon corps m’a parfois lâché pendant cette épreuve, je dois dire que ça n’a pas été le cas de tout mon matériel 🙏

50 derniers KM avec Soraya

On arrive dans Lausanne, les KM les plus longs de ma vie. Ça monte, ça descend, ça tourne, fichus feux rouges. Mais où est ce stade !!! On a tellement carburé qu’on a même réussi à rattraper Open Squad et on fait une arrivée tous les 4 un peu avant 23h30. Je me suis imaginée mille fois pleurer sur cette ligne d’arrivée, mais finalement j’ai juste un sourire à m’en décrocher la mâchoire. Merci Soraya d’avoir rendu ces 50 derniers KMs si beaux 💗

334km – 27h20 de course – 5800m D+ Je ne pensais pas que le corps pouvait aller puiser si loin. J’étais partie pour 24h de course, j’ai même fait du rab. Ce qui est fou, c’est que je ne me sens même pas fatiguée à l’arrivée, pourtant je n’ai pas dormi une seule seconde, ni bu un seul café (je déteste ça). En tant normal, je peux être désagréable toute la semaine si j’ai le malheur de dormir une fois 6h, au lieu de mes 8h… Le corps humain est fou. Cette aventure était juste DINGUE ! Merci à toute l’orga de la Race Across Switzerland d’avoir été si bienveillante, et de m’avoir remis mon trophée et ma médaille malgré le hors-délai.

Merci de m’avoir lu, n’hésitez pas à me contacter si jamais vous avez des questions !

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